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Allo, La Main Tendue ? Témoignage d’un quotidien confiné

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30.04.2020
143.ch reçoit de très nombreux appels ayant pour thème le Covid-19. La Main Tendue garantit l’anonymat, les numéros de téléphone n’apparaissant pas sur l’écran du téléphone, le système les en empêchant. Une de nos bénévoles nous a raconté…

C’est une appelante que je connais un peu, une habituée souvent à cran, impatiente, qui supporte mal, lorsqu’on est déjà en ligne, de devoir attendre ou rappeler. Je la prends comme elle est et habituellement le «courant» ne se passe pas trop mal.

Aujourd’hui, elle est en pleurs, davantage à bout qu’ordinairement, autant dire très à bout… Sans grande surprise, je découvre combien ces directives de confinement et de «distanciation sociale» doivent intensément affecter les personnes vulnérables psychiquement. Si tout le monde est chamboulé, a perdu ses repères, qu’en est-il de ces personnes hypersensibles…

Elle se met à décrire avec beaucoup de clairvoyance et d’honnêteté sa détresse, son découragement, l’état dans lequel faire ses courses l’a mise. Oui, faire ses courses avec toutes ces nouvelles mises en garde, ces injonctions… Être soi au milieu des autres : mission impossible ! Trop près, trop loin. L’acte banal de faire ses courses devient hautement compliqué.

À un moment, elle dit qu’elle ne sait pas si elle va pouvoir survivre à cela, elle dit qu’elle voudrait mourir et à tout prendre attraper ce virus mais elle se reprend par égard pour les autres, elle ne peut pas vouloir ça. Elle dit ensuite combien c’est terrible de savoir que les médecins doivent parfois choisir qui soigner.

Et puis nous évoquons cette réalité : le plus faible sacrifié dans certaines cultures ou chez les animaux. Je découvre alors une femme cultivée. Au fil de l’échange, qu’elle alimente vraiment de ses réflexions, de ses connaissances, je sens qu’elle reprend… du poil de la bête. Et comme ça de fil en aiguille, elle mentionne les Celtes. Elle s’est en effet vivement intéressée à ces peuples, à leurs coutumes, à leurs manières de vivre. Elle est particulièrement sensible à la place des femmes qui rivaliseraient à part égale avec les hommes à une certaine époque.

C’est alors magique de la sentir emportée par un élan, une énergie, une force qui contrastent du tout au tout avec la couleur du début de l’appel. Je lui suggère de peut-être essayer une prochaine fois de se mettre dans la peau d’une femme celte pour affronter le défi de faire ses courses ! Elle rit. Nous rions.

Je relève combien je l’ai entendue dans une terrible détresse et là, maintenant, avec un si bel enthousiasme. Je crois, et le lui dis, que nous sommes faits de ces deux facettes, de ces deux extrêmes.

Je ressors de cet appel, curieuse des Celtes et ravie. Ravie de ces contrastes, de ces surprises. Au fond, c’est pour permettre et pour vivre ce type d’expériences que je suis répondante au 143.

(Pour des raisons évidentes de confidentialité, des éléments ont été modifiés)

Que du bonheur d’entendre ce témoignage, de ce moment qui a véritablement relié deux femmes. On ressent une bouffée de soulagement pour cette appelante torturée par un quotidien dont les normes sont soudain chamboulées.

De verbaliser ce qui provoque son mal-être, de le partager le temps d’un appel, lui a probablement permis de porter un regard différent et d’abaisser sa crainte de faire ses courses.

Envie de devenir répondant·e ? Trouvez plus d’infos sur notre site www.143.ch